De la Genèse à la Révélation

Publié le

Pacific’s Lane.
« Une rue minuscule pour un lieu si vaste. » C’est ce que m’avait dit Charly Wang en me donnant l’adresse de son cousin.
― 47 Pacific’s Lane. Vous demanderez Mister Li.
Mister Li est un homme d’une cinquantaine d’années qui ressemble à son cousin d’une façon étonnante. Il m’a reçu dans son salon. Plutôt froidement.
― Charly sait pourtant que je ne veux pas être mêlé à ses affaires.
Il sembla réfléchir un moment.
― Bon, je vais vous donner la chambre du deuxième. Pour une semaine. Une semaine, voilà qui devrait suffire pour en finir avec cette histoire.
― Bien sûr.

J’avais appris durant toutes ces années à ne pas contrarier le futur. Et puis j’avais une question plus urgente. Je la lui posai avec le plus de détachement possible.
― Puisque j’y pense, votre cousin m’a dit que vous logiez un certain Jack Rimasky.
Mister Li m’a regardé quelques secondes sans rien dire, comme pour évaluer les problèmes que je pourrais lui causer.
― Monsieur Rimasky n’a envie de voir personne. C’est pour ça qu’il vit ici.
― J’ai fait un long voyage...
― Pour rien, je le crains. Jack Rimasky n’a rien à faire avec vous. Il n’est qu’une pièce accessoire. Je ne veux pas qu’il devienne un dégât collatéral, vous comprenez ?
― Et votre cousin, il comprend ?
― Charly est la marionnette de Staboulov. Comme tout le monde dans cette ville.
― Même vous ?
― Même moi.
― Même Rimasky ?
― Lui, c’est autre chose. C’est l’origine du monde. Venez, je vais vous montrer.

Il me fit signe de le suivre. Il me conduisit jusqu’à une petite pièce qui devait être son bureau. Une grande table en bois sur laquelle étaient éparpillés nombre de factures et de dossiers cartonnés, et derrière des rayonnages qui croulaient sous les bouquins.
Je notai au passage le nom de quelques écrivains : Poe, Lovecraft, Walt Whitman, Salinger, Kerouac, Fante, Hemingway, Henri Miller, Burrough. Mister Li avait le goût étonnamment pointu.
Il dût deviner mes pensées.
― C’est la bibliothèque de Monsieur Rimasky. Moi, je suis plutôt porté sur les chiffres, dit-il en souriant.
Il chercha un instant parmi la centaine d’ouvrages et en sortit un gros cahier recouvert de cuir rouge. Il le maniait avec précaution.
― Un manuscrit du grand écrivain. Celui-ci n’a jamais été édité. La couverture a été faite par un de ses amis français qu’il avait rencontré lors d’un voyage en Europe.

Le titre était gravé sur la couverture, en lettres gothiques : « Les Dits de N.D.Lay ».

Conversations entre gens de bonne compagnie, murmurai-je.
― Pardon ?
― Rien. Vous me le prêtez ?
Il me le tendit aussitôt.
― Faites-y attention. C’est une pièce unique. Le texte a été recopié à la main par une de ses petites amies de l'époque, à partir de ses brouillons.

Mister Li n'avait pas hésité à me confier le précieux document.
Tout cela avait l’air d’une pièce déjà écrite.
Par Ange Staboulov, ou par le grand Rimasky lui-même ?


Édouard.k.Dive